La formulation innovée « en Personne/par Son Essence » (Nafsuhu/Bi Dhātihi)

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Bismillaih arRahman arRahim  
 
 

La formulation innovée
« en Personne/par Son Essence » (Nafsuhu/Bi Dhātihi)

Shaykh Gibril Haddad, Damas Syrie
Rajab 1423

 

« L'istiwā sur le Trône prouve qu'Allāh est sur le trône en personne [par son Essence] (Allāhu nafsuhu fawqa al-‘arsh). »
Selon:
Ibn Taymiyya, al-Fatwā al-H.amawiyya (p. 325).
 



Nous avons cité précédemment le verdict de Sulaymān ibn ‘Abd Allāh ibn Muh.ammad ibn ‘Abd al-Wahhāb de takfīr sur ceux qui disent que « Allāh est en personne (Bi-dhātihi) dans chaque endroit, ou dans un endroit. » [1] ce verdict est ironique en raison de l'utilisation répandue de l'expression « qu'il est établi au-dessus du trône par son Essence» parmi ceux qui considèrent Muh.ammad ibn ‘Abd al-Wahhāb comme une de leurs principales autorités.

Ibn al-Jawzī
dit dans Daf‘Shubah al-Tashbīh : « Celui qui dit : Il s'est établi sur le Trône « en personne/par Son essence» (Bi-dhātihi), a détourné le sens du verset de Qur'ānic vers celui de la perception sensorielle…. Les anthropomorphistes ont dit : Il est établi au-dessus du trône « par son essence. » Mais cet ajout n'est rapporté par personne! Ce n'est que ce qu'ils ont compris avec leurs sens, à savoir, qu'on ne peut être établi autrement que par son essence même. » [2]


L'utilisation la plus notoire de l'expression est celle d'Ibn Karrām qui, comme le rapporte Al-Shahrastānī, indiquait : « Allāh est fermement assis sur le trône et il est par son essence (dhātan) du côté supérieur de celui ci. » [3]



Le réfutation qualifiée de cette expression par Ibn ‘Abd al-Bar

Ibn ‘Abd al-Barr a soutenu la position que dire "bidhātihi" dans le hadith de la descente est une modalité, ce qui est interdite par d'Ahl Al-Sunna. Il énonce :


D'autres indiquent qu'Il descend avec Son essence (bidhātihi). Ah.mad ibn ‘Abd Allāh nous a indiqué que son père lui a dit : Ah.mad ibn Khālid nous a dit: Yah.yā ibn ‘Uthmān ibn S.ālih nous a rapporté en Egypte : « J'ai entendu Nu‘aym ibn H.ammād citer le'hadīth de la descente pour réfuter la position des Jahmiyya et Nu'aym a dit: « Il descend avec son essence (bi dhatihi) tandis qu'il reste sur son kursī. »" C'est sans valeur selon l'opinion des personnes de compréhension parmi Ahl Al-Sunna car celà est une modalité. »
[4]


Pourtant Ibn Abd Al-Barr soutient fermement qu'Allāh est littéralement dans la direction ascendante, au-dessus des cieux, sur le trône, comme on peut le lire ailleurs. Nu‘aym ibn H.ammād est le narrateur du Hadīth anthropomorphiste : « J'ai vu que mon seigneur sous la forme d'un jeune homme imberbe portant une longue robe verte et Il a des sandales dorées… » [5]



La condamnation de Al-Dhahabī de cette expression

Al-Dhahabī lui-même, aussi bien que d'autres, a condamné l'utilisation de l'expression en tant qu'innovation (bid'a) :


· Abū Zakariyyā Yah.yā ibn ‘Ammār al-Sijistānī [6] le précheur a indiqué dans son épître : « Nous ne disons pas, comme les Jahmiyya l'ont dit, que Allāh fusionne avec les endroits, qu'Il est mêlé à tout, et que nous ne savons pas exactement où il est. Plutôt, nous disons : Il est par essence/en personne (Bi dhātihi) au-dessus du trône, et sa Science englobe tout… »

Commentaires d'Al-Dhahabī :


« Votre expression Bi dhātihi est de votre cru. Elle peut etre comprise dans le bon sens; cependant, il n'y a aucun besoin d'une telle expression...., car ceux qui interprètent l'istawā indiquent : `Cela signifie qu'Il l'a soumis Lui-même (qahara bi dhātihi) et dominé en personne (Istawla Bi Dhatihi), sans aide ni auxiliaire. »
[7]


· Le maître en hadith et la « preuve de la religion » Abū Nas.r ‘Ubayd Allāh ibn Sa‘īd al-Wā’ilī al-Sijzī a indiqué dans son livre Al-Ibāna : « Nos Imāms, tel que Sufyān al-Thawrī, Mālik, H.ammād ibn Salama, H.ammād ibn Zayd, Sufyān ibn ‘Uyayna, al-Fudayl [ibn ‘Iyād. ], Ibn al-Mubārak, Ah.mad, et Ish.āq [ibn Rāhūyah] sont d'accord que Allāh Tout Puissant est par Son essence (Bi dhātihi) au-dessus du trône, et par Sa Science dans chaque endroit, il descend au ciel le plus proche etc. »


Al-Dhahabî cite le maître Sûfî et l'imâm Hanbalî, Shaykh ‘Abd al-Qâdir al-Gîlânî, comme ayant dit dans al-Ghunya :

Il est établi (mustawin) au-dessus du Trône, ce qui comprend toute Sa domination, tandis que Sa science englobe toute chose. (Vers Lui monte la bonne parole, et Il élève haut la bonne action) (35 :10). Il est interdit de le décrire comme étant dans tous les endroits. Plutôt, que l'on dise qu'Il est dans le ciel, au-dessus du Trône (fî al-samâ’ ‘alâ al-‘arsh) juste comme Il a dit (Le Tout Miséricordieux S'est établi sur le Trône) (20 :5). Ceci [ce verset] doit être affirmé dans des termes absolus et sans interprétation. Quant au fait qu'Il soit au-dessus du Trône, ceci est mentionné dans tous les livres ayant jamais été révélés à tous les prophètes ayant jamais été envoyés, sans spécifier « comment. » [10]

Cette citation prouve que les mots bi dhâtihi mentionnés dans certaines éditions du même passage d'al-Ghunya sont des interpolations - de même que l'inclusion de l'Imâm Abû Hanîfa et de son école parmi les innovateurs ![11] - comme indiqué par al-Kawtharî dans ses notes du al-Sayf al-Saqîl de Shaykh al-Islâm al-Subkî. Al-Kawtharî a appelé à une nouvelle édition de la Ghunya, plus minutieuse que celles actuellement en circulation, et a cité les Ulema qui ont remis en question son intégrité textuelle et sa fiabilité dans les narrations de Hadîths et les questions doctrinales, tels qu'al-Haytamî dans ses Fatâwâ Hadîthiyya, al-Yâfi‘î dans Nashr al-Mahâsin, et al-Najm al-Asfahânî.

L'Imâm al-Haytamî a écrit :

Sur la question des mots interpolés et introduits (madsûsa) dans le livre al-Ghunya de Shaykh ‘Abd al-Qâdir - Qu'Allah sanctifie son secret - par des gens répugnants (mamqûtîn) :

Prenez garde ! de peur que vous ne dérapiez et ne soyez égarés par ces choses (douteuses) que l'on trouve dans le livre al-Ghunya de l'imâm des connaisseurs d'Allâh, le pôle spirituel de l'Islam et des musulmans, le professeur vénérable, Abd al-Qâdir al-Gîlânî, parce que celles-ci ont été introduites par quelqu'un d'autre - Allâh le punira, et il devra répondre de ses actes devant Allâh. Quel que soit le cas, le Shaykh lui-même est innocent d'une telle calomnie à l'encontre de sa personne exaltée.

Et comment serait-il possible qu'il propage une telle position, qui n'a ni fondement ni valeur ? Il était un savant averti et érudit du Qur'ân, du Hadîth et du fiqh tant Shâfi‘i que Hanbalî. Il connaissait si bien les deux écoles et était une telle autorité qu'il a émis la fatwâ selon les deux ! Et ces choses basses sont attribuées à quelqu'un à qui Allâh a accordé des trésors d'un genre insondable de connaissance (ma‘ârif) et des miracles - aussi bien l'évident et le manifeste que le subtile ! …

D'ailleurs, il [Shaykh ‘Abd al-Qâdir al-Gîlânî] connaissait très bien la Risâla d'al-Qushayrî et devait ainsi être d'accord avec ce qui y est rapporté d'un des Imâms des musulmans à ce sujet, à savoir :

Abû ‘Uthmân al-Maghribî a dit : « Je croyais en la doctrine de la direction d'Allâh, mais quand je suis arrivé à Baghdâd ceci s'est éloigné de mon coeur, à la suite de quoi j'ai écrit à mes compagnons de Makka que j'avais embrassé l'Islâm à nouveau. » À ce moment-là, tous ceux qui le suivaient ont abandonné leur croyance en la direction.[12]


· Dans son chapitre du Siyar sur le maître en Hadith ‘Abd al-Jalil ibn Muh.ammad Kūtah al-As.bahānī (D. 553) ; al-Dahabi rapporte de al-Sam‘ānī que le shaykh de Kūtah, le maître en hadīth Ismā‘īl ibn Muh.ammad l'avait expulsé de son cercle d'études et l'a banni pour avoir dit : « La descente d'Allāh se fait par son Essence/en personne (Bi-Al-dhāt). »

Al-Dhahabī commente: « Nous disons qu'Allāh [subhanahu wa ta'ala] « vient » et « descend » mais nous interdisons quiconque de dire: « Il descend en personne/par Son Essence» (Bi dhātihi). De même, nous ne disons pas : « Il descend par Sa Science» (Bi 'ilmihi). Plutôt, nous restons silencieux et n'essayons pas d'être plus éloquents que le prophète sallahu 'alayhi wa salam au moyen d'expressions innovées. » [12]

· Al-Dhahabī cite plus loin dans le Siyar : « Il n'y a aucun besoin de l'expression Bi dhātihi elle dérange l'âme. » [13]

Condamnation de Ibn ‘Abd al-Salām de cette formulation

· L'imam Abū Muh.ammad ibn Abī Zayd al-Maghribī, le Shaykh des Mālikīs, dit dans le commencement de sa célèbre Risāla sur l'école de l'Imām Mālik : « … Et cela Il est au-dessus (fawq) de Son trône glorieux par Son essence (Bi dhātihi), et en tout lieu par Sa Science. » [14]

On a demandé Ibn ‘Abd al-Salām dans ses Fatāwā : « Que dites vous au sujet de la parole d'Ibn Abī Zayd d'Al-Qayrawānī : « Allāh est au-dessus de Son trône exalté par Son essence, et est en tout lieu par Sa Science » ? Une telle affirmation attribue-t-elle une direction à Allāh ou pas ? Et est celui qui tient une telle croyance est-il déclaré mécréant (kāfir) ou pas ? »

Il a répondu :

La signification littérale de ce que Ibn Abī Zayd a dit attribue bel et bien la direction à Allāh, parce qu'il a fait une différence entre [la nature de la "présence"] d'Allah au-dessus du trône et [la nature de Sa "présence"] avec Sa création.

Quant à la deuxième question, la position la plus correcte est que celui qui professe la croyance en une direction pour Allāh n'est pas déclaré un mécréant, parce que les savants de l'Islām n'ont pas déclaré des gens comme ceux là hors de l'Islām ; plutôt, ils ont déclaré qu'ils avaient droit à hériter des musulmans, à l'enterrement en terres musulmanes, à la protection de leur sang et de leurs biens, et ils sont toujours soumis à l'obligation de prier. La même chose est vrai de tout ceux qui ont propagé des innovations : les gens n'ont jamais cessé de leur appliquer à elles les lois qui s'appliquent à tous les musulmans. Ne prêtez aucune attention à ce que les gens du commun réclament au sujet de leur prétendue mécréance.[15]

Al 'Adawī a indiqué dans son commentaire sur la Risāla d'Ibn Abī Zayd :

Il [Ibn Abī Zayd] lui a été reproché d'avoir dit Bi dhātihi, mais pas d'avoir dit « au-dessus de Son trône glorieux. » Car la Loi a cité l'élévation en termes absolus, comme dans Sa parole (Qu'ils craignent leur Seigneur au-dessus d"eux [min fawqihim]) (16 :50). Ainsi la signification de l'élévation [d'Allāh] est absolue en soi, pas dans sa relation spécifique au Trône. Par conséquent, il est permis que quelqu'un dise « au-dessus de Son ciel, » « au-dessus de Son trône, » dans le sens d'une élévation de statut, de majesté, et d'autorité (fawqiyyat al-sharaf wal-jalāl wal-salt.ana). L'Imām Abū Muh.ammad ‘Abd Allāh Muh.ammad ibn Mujāhid a indiqué : " Parmi l'excédent de sujets qu'ils ont atteint le consensus est [le devoir d'] déclarer en termes absolus qu'il -exalté soit Il! - "est au-dessus de Ses cieux, au-dessus de Son trône, au delà de Sa terre (annahu ta‘ālā fawqa samāwātihi ‘alā ‘arshihi dūna ard.ihi) » [16] en termes absolus et conformément à la Loi. " Car il n'est pas mentionné dans la loi qu'Il est sur la terre, par conséquent d'où la parole "au delà de Sa terre". » [17]

Condamnation de Ibn Hajar de cette expression

Ibn Hajar, comme Sulaymān ibn ‘Abd Allāh ibn Muh.ammad ibn ‘Abd al-Wahhāb après lui, a rejeté la parole qu'Allāh serait sur le trône « par Son essence» comme étant tout aussi absurde que de dire qu'Il est partout :

Une partie des Mu‘tazila a prétendu qu'Allāh était partout sur la base du Hadīth « si l'un de vous est en prière, ne le laissez pas cracher devant car Allāh est devant lui. » [18] ce n'est là qu'ignorance évidente, car le Hadith déclare ensuite qu'il devrait cracher sous son pied, ce qui réfute leur croyance. Ce Hadith constitue également une réfutation de ceux qui disent que cet Allāh est sur le Trône « par Son Essence (Bi Dhatihi). » [19]

Par la dernière phrase, Ibn Hajar, comme son Shaykh Zayn al-Dīn al-‘Irāqī dans sa discussion sur le même hadīth , [20] fais référence à Ibn ‘Abd al-Barr ainsi que ceux qui attribuent la direction à la Divinité.



NOTES :


[1] Dans son al-Tawd.īh. ‘an Tawh.īd al-Khallāq fī Jawāb Ahl al-‘Irāq (1319/1901, page 34, ed. Al-Riyad : Dār Tibah, 1984).
[2] Ibn al-Jawzī, Daf‘ Shubah al-Tashbīh (Saqqāf ed. p. 102-104, 127-128; 1998 Kawtharī re-ed. p. 8, 20).
[3] Al-Shahrastānī, Al-Milal wal-Nihal (le Caire, P. 1317 145).
[4] Ibn ‘Abd al-Barr, al-Tamhīd (7:144).
[5] Rrapporté d'Umm al-‘Arabī par Nu‘aym ibn H.ammād cf. al-Dhahabī, Mīzān (7 :42). Un récit "rejeté" (munkar) selon Imām Ah.mad comme indiqué dans le livre d'al-Dhahabī: Tartīb al-Mawd.ū‘āt (P. 22 # 22), et selon al-Ahdab dans Zawā'id Tārīkh Baghdād (8 :37-40 # 1662).
[6] « son ardeur contre des innovateurs et les Jahmiyya l'ont poussé pour enfreindre la manière du Salaf. » Al-Dhahabī, Siyar (13 :310 # 3932).
[7] Al-Dhahabī, Mukhtas.ar Al 'Uluw (P. 263 # 319). Voir la discussion sur l'istawā et l'istawlā dans l'article « Istiwā' est un acte divin. »
[8] Al-Dhahabī, Mukhtas.ar Al 'Uluw (P. 266-267 # 243)
[9] Al-Dhahabī, Mukhtas.ar Al 'Uluw (P. 283 # 348)
[10] Cf. Z.afar Ah.mad al-Tahānawī, Abū H.anīfa wa As.h.ābuhu al-Muh.addithūn (P. 53) dans son introduction à I‘lā’ al-Sunan.
[11] Al-Haytamī, Fatāwā H.adīthiyyaH. (P. 204). Cf. Al-Qushayrī, Risāla, ch. sur Abū Uthmān Al-Maghribī
[12] Al-Dhahabī, Siyar (15 :112-113 # 4998).
[13] Al-Dhahabī, Siyar (Arna'ūt. ED. 19:607).
[14] Ibid. (P. 255-256 # 136), également dit par Ibn Taymiyya dans Majmū' Al-Fatāwā (5 :182)
[15] Ibn ‘Abd al-Salām, Fatāwā (P. 151, 153).
[16] C'est exactement la terminologie dopté par Ibn Abī Zayd dans son autre texte sur le Crédo dans le `d'Al-Jāmi fīl-Sunan (P. 141).
[17] Al-‘Adawī, H.ashiya . (1 :69-70).
[18] Relaté d'Ibn 'Umar par Al-Bukhārī et Muslim. Al-Qurt.ubī dans Al-Asnā (2 :90) a indiqué : « Il signifie seulement que la qibla d'Allāh et Sa miséricorde son devant lui. » Voir la section de Al-Bayhaqī intitulée « la direction ou doit se tourner l'adorateur par Allāh. »
[19] Ibn Hajar, Fath. Al-Bārī (ED 1989. 1:669).
[20] Dans T.arh. al-Tathrīb (2 :382). Voir son commentaire détaillée de ce hadīth (2 :380-386). 

Publié dans Croyance

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